Chaque lundi je te propose une analyse liée au sport business sous la forme d’un article.
Et chaque jeudi, je te partage un épisode du podcast Beyond The Court où je vais à la rencontre des acteurs qui font le sport.
J’en profite pour souhaiter la bienvenue aux nouveaux supporters du Beyond The Court Club. Tu peux consulter toutes les anciennes éditions ici.
Bonjour à tous,
Aujourd’hui, nous allons poursuivre la réflexion sur les problèmes du tennis et son incapacité à monétiser son audience.
Dans la première partie, nous avons évoqué :
La fragmentation du tennis.
Un sport détesté par les diffuseurs
Un temps de jeu effectif très faible
Le paradoxe du tennis.
Un sport mal filmé.
Rappel : 1 milliard de personnes suivent le sport mais il ne génère que 1.3 % des revenus en droit télé (tout sport confondu).
Mais je vous invite à lire la première partie avant de commencer la deuxième où nous allons développer :
Le calendrier surchargé et illisible
Le modèle de tournoi versus le modèle de championnat
La fragmentation de l’offre pour suivre le tennis
« Content is king » (except for tennis)
L’après Big 4 (Federer, Nadal, Djokovic et Murray).
Bonne lecture aux 252 supporters du Beyond The Court Club.
Si tu n’es pas encore abonné, tu peux rejoindre le club.
6) Un calendrier surchargé et illisible
Au tennis, il y a plusieurs catégories de tournois :
Les Grand Chelem
Les Masters 1000
Les ATP 500
Les ATP 250
Sans mentionner la deuxième et troisième division du tennis que sont les tournois Challengers et Futures.
Chaque catégorie de tournoi apporte plus ou moins de points au classement ATP.
Ce dernier permet de déterminer :
Qui peut participer ou non à un tournoi
Les têtes de série
Le n°1 mondial
Pour ceux qui souhaitent comprendre le fonctionnement du classement ATP, j’ai fait une vidéo sur le sujet.
Vous comprendrez comment Djokovic a pu perdre des points (et deux places au classement) cette semaine malgré sa finale au Rolex Paris Masters.
(Lien de la vidéo ici)
D’une semaine à l’autre, nous passons d’un ATP 500 à un Masters 1000 avant de revenir à un ATP 250 pour finir sur un Grand Chelem.
Pour un néophyte, c’est (difficilement) compréhensible et les instances n’éduquent pas les spectateurs.
En Formule 1, Il y a 23 courses au championnat. Elles rapportent le même nombre de points aux vainqueurs.
Simple.
Efficace.
Compréhensible.
Mais surtout la saison de tennis est interminable.
Elle commence le 1er janvier et se termine fin novembre. C’est l’un des sports où l’inter saison est la plus courte.
41 jours pour le tennis
91 pour la NBA
214 pour la NFL
7) Un modèle de tournoi versus un modèle de championnat.
Au tennis, il y a les Grand Chelem et le reste.
Les Français regardent Roland Garros.
Beaucoup de joueurs de tennis ne suivent que les 4 Grand Chelem.
La majorité se fout complètement des autres tournois (et même de la course à la première place mondiale).
Remporter Roland Garros ou Wimbledon a plus de valeurs.
C’est l’inverse de la Formule 1 :
Remporter le GP de Monaco est prestigieux.
Être champion du monde fait du pilote une légende.
Cette différence peut paraître anodine mais elle a une vraie influence sur le suivi et l’engagement des fans.
Un championnat est suivi tout au long de l’année. Tandis que des tournois sont suivis ponctuellement.
Les Grands Chelem phagocytent l’intérêt du tennis mais ne représentent qu’une petite partie de la saison (moins de 20 %).
Certains réfléchissent à transformer la saison de tennis sous un modèle de championnat.
Je vous invite à lire le Thread de Julien Kergounou sur le sujet.
Qu’on soit d’accord ou non, avec la réflexion de Julien, la question mérite d’être posée.
(Julien est un dénicheur de talents. Si vous souhaitez connaître les futurs Holger Rune ou Carlos Alacaraz c’est la personne à suivre).
Revenons à notre sujet.
Le tennis questionne ses règles comme les matchs en 5 sets.
Mais le changement de règle n’est pas le seul élément pour redorer le blason ou développer un sport.
La Formule 1 en est un parfait exemple.
C’est la réorientation stratégique ( « Content is king ») et le changement de communication associé qui a redynamisé la discipline.
Pour en savoir plus sur
8) « Content is King » (except for tennis)
Certains acteurs du tennis n’ont rien compris à la communication sur internet et sur les réseaux sociaux.
Roland Garros, France Télévision et la FFT en tête.
a) Interdiction de faire des GIF.
Très populaires, les GIF font partie de la culture internet.
Mais il est interdit d’en publier sur Twitter avec des images de Roland Garros (censure).
En effet, ça serait bête de faire un Tweet viral qui mettrait en avant le tournoi.
Ces Tweets permettraient de toucher (potentiellement) une nouvelle audience.
Et cette audience pourrait être amenée à regarder le Grand Chelem Parisien in fine.
En bref, c’est de la publicité gratuite que la dictature du contrôle empêche.
b) Une chaîne Youtube inexploitée
Je suis un grand fan de Youtube.
Et la chaîne de Roland Garros m’attriste.
Toutefois, il faut distinguer deux périodes (lors du tournoi et le reste).
Lors du tournoi : le contenu publié est correct. Nous avons le droit à :
Des résumés de 3 minutes des rencontres (pas assez)
Aux conférences de presse des joueurs
Le hot shot du jour (même pas un top 5)
Des présentations de joueurs de 1 minute (un format non adapté à la plateforme)
Des vidéos pour les sponsors (Business is business)
Il y a une incompréhension totale de la plateforme, de ces usages et de son articulation avec d’autres réseaux.
Le portrait que je dresse sur l’utilisation de la chaîne Youtube pendant le tournoi n’est pas rose.
Attendez de voir son utilisation le reste de l’année.
Le reste : il n’y a rien (ou presque).
Depuis la fin de l’édition 2022, quatre vidéos sont sorties.
Et c’était uniquement pour célébrer les retraites de Serena Williams et Roger Federer.
L’initiative est bonne mais pour Roger Federer ;
l’US Open a fait 40 minutes avec un montage plus travaillé (+ 4 autres vidéos sur le Suisse).
Wimbledon a sorti 7 vidéos dont: :
Une vidéo hommage magnifique
35 minutes des plus beaux points de Federer
Sa finale junior remportée en 1998 (en excellente qualité)
Idem pour l’Open d’Australie qui a célébré le Suisse avec 5 vidéos.
“We’re living at a time when attention is the new currency.”
In today’s overstimulated age, attention is at a premium. And there’s nothing more valuable than having an audience. Pete Cashmore (Founder of Mashable).
La création de contenus ne concerne pas que les entrepreneurs.
Les sportifs sont concernés.
Jules Marie l’a très bien compris avec sa chaîne Youtube (et ses autres réseaux)
Les organisateurs et ayants droit sont concernés. Et certaines ligues l’ont très bien compris (également) :
La Formule 1 avec ses 8 millions d’abonnés et ses 5 milliards de vues.
L’UFC avec ses 14.5 millions d’abonnés et ses 5.8 milliards de vues.
La NBA avec ses 19.4 millions d’abonnés et ses 11 milliards de vues.
Le tennis est en retard.
Et Roland Garros est le dernier parmi les derniers
3x moins de vues que Wimbledon
3x moins d’abonnés que Wimbledon
3x moins de vidéos que l’Open d’Australie
Roland Garros préfère faire des NFT plutôt que de développer son audience.
Pourtant, le Grand Cheme et la Fédération ont dans leur cave :
Des centaines de matchs de légende
Des milliers d'interviews incroyables
Tout est en place pour créer des contenus extraordinaires.
Mais rien n'est fait.
Alors je critique. Mais qu’est-ce que je propose ?
Publier un match de légende tous les vendredis à 19h (l’US Open le fait)
L'épopée d'un champion : un joueur revient sur son parcours à Roland Garros (exemple Hugo Gaston 2020 ou Andre Agassi en 1999) tous les mois (vidéo ou podcast).
Je ferai une rétrospective de 1h à 2h (après chaque édition).
Je mettrai en avant les joueurs français (actuels et anciens).
Je ferai une série documentaire qui retrace l’histoire de Roland Garros (de sa construction à aujourd’hui). Wimbledon a son documentaire (financé par Rolex).
Je mentionne Roland Garros parce que c’est celui qui nous parle le plus en France.
Mais ce n’est pas parfait ailleurs.
Hormis, Tennis TV qui fait (relativement) du bon travail avec sa plateforme.
Cependant, ils sont confrontés aux premiers problèmes évoqués : la fragmentation du tennis.
Tennis TV n’a pas accès aux images des Grand Chelem.
Vous savez les tournois qui intéressent 90 % de la fan base…
Et en parlant de fragmentation.
9) La Fragmentation de l’offre
Pour regarder du tennis, il faut combien d’abonnements ?
C’est la même problématique qu’au foot.
Eurosport est le diffuseur avec le plus de droits pour le circuit masculin
Bein Sport est le circuit avec le plus de droits pour le circuit féminin
Mais pour suivre les 4 Granc Chelem entièrement, il faut : Eurosport, Bein Sport, France TV et Amazon.
Roland Garros est diffusé depuis 2021 sur Prime Video (Amazon).
Cette diffusion par la plateforme américaine a fait grand bruit cette année.
En effet, le quart de finale entre Rafael Nadal et Novak Djokovic n’était disponible que sur Prime Video (rendu accessible gratuitement pour l’occasion).
Je traiterai le cas d’Amazon, France TT et Roland Garros en juin. Mais sachez que le contrat actuel s’achève en 2023.
Je ne serai pas étonné que Roland Garros suive la voie de la Ligue des champions (diffusion payante hormis pour la finale) d’ici quelques années.
En effet, Roland Garros est le Grand Chelem avec les droits TV les plus faibles
AO : 60M$
RG : 30M$
Wimbledon : 60M£
Us Open : 70M$
Ces montants correspondent aux droits TV domestiques
Droits domestiques : les droits pour diffuser une compétition nationale par un diffuseur français (France TV et Roland Garros).
Droits internationaux : Les droits pour diffuser une compétition étrangère par un diffuseur français (exemple de Canal + et la Premier League).
Une unification du tennis permettrait d’augmenter les droits TV (développé dans la première partie).
Une plateforme comme Tennis TV avec les droits sur les Grand Chelem serait un vrai atout. Cela deviendrait l’équivalent du League Pass de la NBA mais pour le tennis.
10) L’après Big 4 (Federer, Nadal, Djokovic, Murray)
Je fais une dichotomie entre Big 4 et Big 3.
Le Big 3 : c’est la course aux nombre de Grand Chelem et au GOAT.
le Big 4 : c’est une période de domination de 2008 à 2016 (avec un pic en 2012 où les 4 ont gagné un Grand Chelem.
Je rappelle que Murray c’est :
3 Grand Chelem (et 8 finales perdues)
14 Masters 1000
Un ATP final (2016)
2 médailles d’or Olympique
1 Coupe Davis
Seul joueur à avoir été numéro 1 mondial entre 2004 et 2022 (hors Big 3)
Cette longévité du big 4 est extraordinaire.
Mais elle a fait (aussi) du mal au tennis.
Pour les fans, suivre leur champion si longtemps c’est hors norme :
59 Nadal vs Djokovic
50 Federer vs Djokovic
40 Federer vs Nadal
Pour les non-fans du tennis, c’est toujours les mêmes finales, les mêmes vainqueurs.
Est-ce que la jeune génération peut s’identifier à des joueurs présents sur le circuit depuis 15 ans ?
De plus la fameuse Next Gen n’a pas réussi à tuer le père (Big 3) en Grand Chelem.
Hormis Medevdev, tous les autres membres de la next-gen (Tsitsipas, Zverev, Rublev, Tiafoe) n’ont pas réussi à atteindre le graal : une victoire en Grand Chelem.
Cette Next Gen se fait même doublée par ce qu’on appelle désormais la « Next-Next-Gen » avec Carlos Alcaraz et Holger Rune en figure de proue.
Le meilleur moyen de mettre en avant la nouvelle génération, c’est qu’elle tue celle précédente.
Sampras a tué la génération de McEnroe
Federer a tué la génération d’Agassi (et sa propre génération au passage).
C’est le meilleur moyen de passer le flambeau.
Une victoire comme celle de Holger Rune face à Djokovic est primordiale.
Maintenant, il faut la même chose en Grand Chelem.
Enfin je terminerai par deux motifs d’espoir pour le tennis.
l’ATP a annoncé son plan pour les années à venir. Le circuit masculin va copier la stratégie de communication de la Formule 1. Une série Netflix sur le modèle Drive to Survive est en production (sortie janvier 2023).
Cette stratégie s’appelle One Vision.
Et elle pourrait accoucher d’une unification du tennis avec un rapprochement des instances (ATP, WTA et ITF).
Je développerai et analyserai cette stratégie dans une prochaine Newsletter.
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Et je te dis à jeudi pour le podcast de la semaine. Mon invité nous parlera foot et montant des transferts. En effet, il travaille sur la valorisation des joueurs. Tu sauras pourquoi Lewandowski a coûté moins cher au Barça que Wosley Fofana à Chelsea.