Comment la F1 est redevenue sexy aux yeux du grand public (Netflix x Liberty Media)
Beyond The Court Club #2
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Les jeunes voient la marque Rolex, mais vont-ils en acheter une ? Ils n'en ont pas les moyens. […] Je ne sais pas pourquoi les gens veulent s'adresser à la soi-disant "jeune génération"... Pourquoi veulent-ils faire cela. […] Je préfère m'adresser à un homme de 70 ans qui a beaucoup d'argent.
Ces mots ont été prononcés par Bernie Eccleston - le brillant homme d’affaires qui fut à la tête de la F1 jusqu’en 2017 et le rachat par Liberty Media des droits.
5 ans plus tard, l’histoire a montré qu’il ne pouvait pas plus se tromper.
Liberty Media cibla les jeunes sans argent pour que la F1 retrouve sa splendeur d’antan.
Et les résultats sont impressionnants :
Le GP d’Austin a accueilli 400k visiteurs en 2021 (vs 264 000 en 2018).
L’audience moyenne aux US a plus que doublé.
La valorisation de la F1 a (presque) triplé en 5 ans.
Dans cette première newsletter consacrée à la formule 1, nous allons voir :
I) L’erreur de Bernie Eccleston
II) La stratégie de Liberty Media
A) « Content is King »
B) F1 TV et le choix du temps long
C) Être à l’écoute des fans
Une deuxième partie sera consacrée aux résultats et aux conséquences de cette nouvelle stratégie.
Avant de commencer, je vous mets le lien du podcast de la semaine avec Emeric Dumonteil (CEO de l’agence Little Big Club).
(Description de l’épisode à la fin de la Newsletter).
I) L’erreur de Bernie Eccleston.
Bernie Eccleston s’est fait remarquer pour son manque de vision. Il n’a pas perçu l’opportunité du digital et des réseaux sociaux pour la Formule 1.
Mais être brillant en affaire n’empêche pas de se tromper et de ne pas voir certaines tendances. Qui plus est, quand on appartient à un « ancien monde » et qu’on a 86 ans.
Toutefois, il faut rendre à Bernie ce qui appartient à Bernie :
Le businessman anglais est né en 1930 et a opéré dans le sport automobile toute sa vie. Il fut :
Pilote.
Propriétaire d’équipe (Brabham Racing Organisation).
« Grand argentier » de la F1 pendant 30 ans.
Il a dirigé la FOCA (Formula One Constructors Association) qui s’occupait des droits commerciaux de la formule 1 (accords avec les organisateurs de Grand Prix (GP) et la négociation des droits TV).
Bernie a révolutionné la discipline en faisant de la Formule 1 un business rentable.
Pourtant encore une fois, Bernie s’est trompé. Au-delà de l’opportunité des réseaux sociaux, une autre erreur a failli être fatale à la F1 à la fin de son règne :
Ne pas renouveler sa fan base, c’est s’assurer d’une mort certaine.
*Je ne sais pas pourquoi les gens veulent s'adresser à la soi-disant "jeune génération"... Pourquoi veulent-ils faire cela ? Est-ce pour leur vendre quelque chose ? La plupart de ces jeunes n'ont pas d'argent. Je préfère m'adresser à un homme de 70 ans qui a beaucoup d'argent.
Il est donc inutile d'essayer de toucher ces enfants, car ils n'achèteront aucun des produits proposés ici. Si les spécialistes du marketing visent ce public, ils devraient peut-être faire de la publicité avec Disney.*
Je ne suis pas intéressé par les tweets, les facebook et toutes ces bêtises... J'ai essayé de me renseigner mais de toute façon je suis trop vieux jeu. Je n'en voyais pas l'intérêt".
La F1 était en perte de vitesse. Elle n’était pas rentrée dans le 21eme siècle.
Malgré ses difficultés, la F1 conserve un potentiel économique.
Penser qu’un sport doit nécessairement modifier ses règles pour ramener son audience est une erreur. À l’image d’une entreprise, il suffit parfois de :
Modifier les canaux de diffusion
Développer le storytelling
S’adresser à un nouveau public (cible).
L’exemple de la NBA.
Avoir un visionnaire qui orchestre ces changements est nécessaire à l’image de David Stern (Commissionnaire de la NBA entre 1984 et 2014) dans les années 80.
En effet, la NBA (National Basket Asssociation) a connu des temps sombres dans les années 70. Difficile à croire aujourd’hui, mais la NBA, à cette époque, était vue comme une ligue de drogués qui n’intéressait pas le grand public. Preuve du désamour pour la ligue, CBS ne diffuse (en direct) pas toutes les rencontres des finales.
Cependant, dans les années 80, la ligue connaît une renaissance avec la rivalité entre Magic Johnson et Larry Bird qui débuta dès le championnat universitaire.
L’explosion de la ligue intervient avec la mythique équipe des Bulls de Jordan dans les années 90 et le rayonnement à l’international de ses stars en 92 avec la présence de la Dream Team aux JO de Barcelone.
SI MJ est considéré comme le GOAT c’est pour son niveau, son palmarès, son aura mais aussi parce qu’il a bénéficié d’un timing parfait pour rayonner avec al globalisation.
Pour la Formule 1, tout va changer avec l’arrivée de Liberty Media.
I) La stratégie de Liberty Media
A) « Content is King »
Liberty Media rachète les droits en 2017 pour 4.4 milliards de dollars.
Son CEO John Malone décide d’adopter une stratégie opposée à celle précédente en :
Ouvrant les coulisses de la F1 (paddock).
Ciblant la jeunesse pour rajeunir l’audience.
Utilisant les nouveaux moyens de communication.
L’univers de la F1 était très opaque. Il était impossible de savoir ce qui se passait en coulisse dans le paddock. La stratégie de Liberty Media fut très simple : ouvrir les portes et permettre aux équipes et aux pilotes de mieux interagir avec leurs fans.
Le mantra de la stratégie de Liberty Media est le suivant :
The more you know, the more you enjoy.
Si l’audience ne comprend pas ce qui se passe à l’écran alors elle ne trouve aucun intérêt pour la discipline.
Cela va au-delà des règles.
Le public a besoin de comprendre les enjeux, de connaître les pilotes, leur personnalité, leur quotidien, leur histoire et de ressentir la difficulté de conduire une voiture qui dépasse les 300km/h.
Exemple 1 : les caméras embarquées dans le casque des pilotes (Charles Leclerc à Monaco) : (voir vidéo)
Exemple 2 : Daneil Ricciardo dans ses œuvres : Huuulkenbeeeeeerg (voir vidéo)
B) F1 TV et le choix du temps long
Liberty Media crée F1 TV - sa propre plateforme de streaming - pour diffuser les Grand Prix.
Les nouveaux propriétaires de la F1 souhaitent conquérir les États-Unis où la F1 n’a jamais réussi à s’implanter. En effet, les Américains lui préfèrent l’IndyCar.
Mais les États-Unis représentent un marché de 330 millions d’habitants et une économie de 24 000 milliards par an (28% du PIB mondial).
C’est donc une opportunité de marché immense.
Pour conquérir le nouveau continent, Liberty Media ne renouvelle pas son contrat avec NBC (le diffuseur américain) à hauteur de 40 millions sur 5 ans.
À la place les droits sont donnés gratuitement à ESPN.
Oui, vous avez bien lui. Les droits sont cédés gratuitement pour qu’ESPN diffuse les GP.
Cette décision a pour objet de démocratiser la formule 1 aux États-Unis.
Liberty Media fait donc le choix du temps long.
Et pour être sûr de ne pas se tromper dans leur stratégie, ils ont sondé leur fan.
C) Être à l’écoute et comprendre ses fans
La F1 a réalisé un sondage d’envergure pour mieux connaître sa fanbase.
167 000 fans ont été interrogés dans 187 pays.
Grâce à ce sondage, Liberty Media a pu vérifier si sa stratégie de rajeunissement de la communauté avait fonctionné :
L’âge moyen a baissé de 4 ans
L’audience féminine a doublé
Le nombre de fans a considérablement augmenté dans des pays où la F1 était peu suivi comme la Chine, l’Inde, le Mexique et les États-Unis).
Je pense que la diversité et l'obtention d'un public plus jeune nous permettront de nous enrichir, en termes de capacité à capter l'attention de plus de gens. (Stefano Domenicali - CEO de la F1)
Mais ce sondage a permis d’avoir plus d’informations sur ce que souhaitaient les fans :
Ellie Norman, directrice du marketing et de la communication de la F1, a déclaré :
"Comprendre ce que nos fans veulent et apprécient dans la Formule 1 est le meilleur moyen pour nous de prendre des décisions stratégiques sur la direction à emprunter afin que le sport reste attrayant et divertissant pour notre public. En utilisant la puissance de Motorsport Network, nous serons en mesure de toucher les fans du monde entier, ce qui nous fournira des informations précieuses sur ce qu'ils attendent de notre sport et sur les domaines que nous pouvons améliorer à l'avenir".
Ce sondage a permis de récolter l’avis des fans sur les courses sprint
L’objet de ces dernières est de rendre plus attractif le vendredi des week-ends de course. En effet, cela permet d’avoir :
Les qualifications (vendredi)
La course sprint (le samedi)
La course (le dimanche)
Ce dispositif n’est mis en place que sur quelques GP en 2022 (Imola, Autriche, Brésil)
Les fans semblent ne pas vouloir qu’il se démocratise à toutes les courses selon les réponses du sondage : 60% des fans ne veulent pas d’une qualification sprint à toutes les courses.
Toutefois, Stefano Domenicali souhaite étendre les courses sprint à 6 GP. En effet, elles semblent plaire aux nouveaux fans de F1.
Les instances de la F1 utilisent la data pour orienter sa stratégie.
C’est que tous les sports et toutes les entreprises devraient faire pour connaître la marche à suivre.
III) Les résultats de cette stratégie
J’aborderai cette partie dans la Newsletter de la semaine prochaine.
Elle risque d’être bien plus longue.
Pour la développer correctement, je préfère découper ce sujet en deux pour ne pas vous perdre.
Pour vous donner une idée des résultats
Le GP d’Austin a accueilli 400k visiteurs en 2021 (vs 264 000 en 2018)
3 Grand Prix aux US en 2023 (Miami + Las Vegas)
La valorisation de la F1 a (presque) triplé en 5 ans
Nous aborderons donc les éléments suivants
La figure de proue de la stratégie : Drive to Survive (Netflix)
Pourquoi cette série est un coup de maître
L’ambition de Netflix : diffuser les GP.
Les résultat de cette stratégie aux USA (
GP de Vegas
GP de Miami
L’audience aux US
La hausse des revenus de la F1 malgré la crise
Pourquoi ce n’est qu’un début ?
Le danger de la F1 : Dénaturer son sport pour l’argent
La citation du jour
« If you no longer go for a gap that exists you are no longer a racing driver » (Ayrton Senna)
#2 Emeric Dumonteil - Little Big Club
Qu’est-ce qu’un bon sponsor ?
C’est à cette question que nous allons tenter de répondre aujourd’hui avec Émeric Dumonteil.
Émeric est le CEO de Little Big Club l’agence de marketing sportif et de sponsoring dédiée aux clubs amateurs et professionnels. Son objectif : Faire de votre club une marque. Émeric est un vrai passionné de sport que ce soit du handball au sport automobile jusqu’au hockey sur glace, il a même été préparateur physique avant de monter son agence.
Dans cet épisode nous avons abordé :
La taille du marché du sponsoring sportif en France.
Pourquoi il a décidé d’aider les clubs amateurs et semi-professionnels ?
Quelles sont les différences entre le sponsoring de clubs professionnels et de clubs amateurs ?
Quelles sont les bonnes pratiques à adopter avec cette catégorie de club ?
Les JO’s comme moyen de promouvoir le sport en France.
Vous pouvez retrouver Émeric ici :
Si vous aimez ce podcast, le meilleur moyen de me le faire savoir est d'aller le noter (et mettre un commentaire) sur Apple Podcast. C’est ce qui m’aide le plus à le faire connaître (référencement).
Les coéquipiers de la semaine
Les pistonnées qui décryptent la Formule 1 chaque semaine de course.
(Leur dernière vidéo sur le Gp de Monza)