Chaque lundi je te propose une analyse liée au sport business sous la forme d’un article.
Et chaque jeudi, je te partage un épisode du podcast Beyond The Court où je vais à la rencontre des acteurs qui font le sport.
J’en profite pour souhaiter la bienvenue aux nouveaux supporters du Beyond The Court Club. Tu peux consulter toutes les anciennes éditions ici.
Le tennis est en retard.
Il s’est reposé sur son âge d’or avec le Big 4 (Federer, Nadal, Djokovic et Murray) sans chercher à se réinventer.
Stagner, c’est régresser.
Il faut courir aussi fort qu’on le peut simplement pour rester au même endroit. Si on veut se rendre ailleurs, il faut courir encore au moins deux fois plus vite. (Lewis Carroll dans Alice aux pays des merveilles)
Désormais, le tennis doit s’adapter aux nouveaux modes de consommation et développer son produit sous peine de continuer à perdre en attractivité.
Et les instances en ont (enfin) pris conscience.
Le tennis est en concurrence avec d’autres sports comme le football, le basket, la Formule 1, etc.
En effet, il n’est pas rare qu’il y ait le dimanche :
Un Clasico
Un grand Prix de Formule 1
Un choc de Premier League
Un match des VI Nations
Une finale d’un Masters 1000
Mais si on admet que le sport est un divertissement alors on comprend que le tennis est également en concurrence avec Netflix, Disney +, les jeux vidéo, Youtube, un concert…
Toutefois, la petite balle jaune possède des atouts (par rapport à d’autres sports) :
Un sport international.
Un sport individuel propice aux histoires et rivalités.
Un sport développé chez les hommes et les femmes.
Mais le tennis a des difficultés pour monétiser son audience. L’une des raisons est la fragmentation des instances.
C’est pourquoi l’unification est au cœur de la stratégie de l’ATP : One Vision.
Et c’est ce que nous allons voir dès maintenant.
I) One vision
L’ATP a annoncé sa stratégie pour développer le tennis à partir de 2023.
Rappel : l’ATP est l’instance qui gère le tennis masculin professionnel.
Cette stratégie se nomme : One Vision.
Son nom indique la volonté de mettre un terme à la fragmentation qui ronge le tennis.
Elle est composée de deux phases indépendantes. Et elle s’articule autour de trois principes fondamentaux qui vont guider l’ensemble des décisions :
Favoriser l’unité
Améliorer l’expérience des fans
Tirer parti des opportunités offertes par les nouvelles technologies et la création de contenus (média).
1ere phase de One Vision
L’objet de cette première phase est d’unifier et de développer le tennis masculin.
En effet, il existe des tensions entre les joueurs et les organisateurs de tournois.
Cette première phase met l’accent sur 5 piliers
1) Plus d’actions aux grands événements
L’ATP a décidé de faire de ces Masters 1000 des « mini Grand Chelem ».
Fini les tournois sur une semaine. Désormais Rome, Madrid, Shanghai, Cincinnati et Toronto/Montreal se disputeront sur 12 jours avec des tableaux de 96 joueurs.
Et qui dit plus de matchs, dit plus d’argent dans les caisses (+35% de cash prize estimé).
Pour comprendre ce choix, il faut savoir que l’ATP ne possède pas les droits des Grand Chelem.
Les Masters 1000 sont donc leurs tournois « preniums ».
Toutefois, je ne suis pas convaincu par ce modèle qui existe déjà pour Indian Wells et Miami.
Du moins en l’état.
Si l’ATP arrive à créer une narration autour de chaque tournoi alors ce choix deviendra pertinent.
Et cette nouvelle formule pourrait marquer le retour des finales en 3 sets gagnants pour les Masters 1000.
En écrivant ces lignes, j’ai plusieurs finales mémorables qui me reviennent à l’esprit comme celles de Rome en 2005 et 2006.
Ces deux finales ont participé à la légende naissante de Rafael Nadal sur terre battue.
2) Investir sur le long terme
L’ATP a décidé de signer des contrats longue durée avec les organisateurs de tournoi.
30 ans pour les Masters 1000
15 ans pour les ATP 500
Cette visibilité pour les directeurs de tournoi permet de réduire l’incertitude.
Et on le sait.
L’incertitude est un frein à l’économie et à l’investissement.
Aucun tournoi ne souhaite investir dans ces infrastructures, s’il n’a pas la garantie de conserver son statut. Il doit avoir la garantie de pouvoir rentabiliser son investissement pendant 10, 20, 30 ans.
3) Transparence sur les gains
Il y a un manque de transparence sur les bénéfices générés par les organisateurs de tournoi.
Ce manque de transparence crée des tensions entre les joueurs et les organisateurs depuis des décennies.
L’ATP a donc décidé d’ouvrir les comptes des tournois mais surtout de partager les bénéfices réalisés avec les joueurs.
En effet, le tennis est l’un des sports où la part des revenus redistribuée aux joueurs est la plus faible.
One Vision promet donc un partage égalitaire et une meilleure redistribution entre les joueurs.
Cette source est à prendre avec des pincettes. Le PTPA est une association de joueurs cofondé par Djokovic et Pospisil qui est en conflit ouvert avec l’ATP. Toutefois, même en doublant ce pourcentage, le tennis serait encore loin de certaines ligues comme la NBA ou la Premier League.
4) Agrégation des droits
La fragmentation existait (aussi) au sein de l’ATP.
l’ATP a donc créé un organisme pour vendre les droits TV et commerciaux de ces tournois.
Désormais, c’est l’ATP Media qui vendra l’ensemble des droits des Masters 1000, ATP 500 et 250.
L’union fait la force.
L’ATP Media pourra mieux vendre le produit tennis aux annonceurs et diffuseurs.
Mais ce n’est pas tout.
l’ATP a compris l’intérêt de récolter de la Data pour mieux comprendre les attentes des fans et améliorer leur expérience.
Ainsi, l’ATP va créer une plateforme unique où les fans pourront
Acheter leur ticket
Regarder les rencontres en ligne
Avoir accès à des interviews et du contenu exclusif
Et d’autres services proposés.
L’idée est d’avoir un seul point d’entrée pour les fans.
Et surtout de pouvoir créer un maximum de contenus et d’inonder les réseaux sociaux à l’image de la Formule 1.
5) Amélioration du modèle de gouvernance
Les joueurs et les petits tournois avaient le sentiment de ne pas être écoutés par l’ATP.
Le nouveau board permet à ces deux partis d’être entendues.
Dans les faits, l’ATP souhaite tout de même faire plus de places aux gros événements au détriment des tournois mineurs.
l’ATP a accepté que Laver Cup se dispute en même temps qu’un de ces tournois.
On peut le dire.
L’ATP s’est couché devant Roger Federer avec cette décision.
Et c’est l’Open de Moselle (l’un de mes tournois préférés) qui en a fait les frais.
Et le nouveau calendrier avec « les Super Masters 1000 » se fait également au détriment des plus petits tournois.
Je ne serai pas étonné de voir certains ATP 250 faire faillite dans les prochaines années.
La phase 1 à pour but d’unifier et d’améliorer la marque de l’ATP.
La phase 2 a pour but d’étendre cette unification à l’ensemble du tennis (WTA et ITF)
2eme phase de One Vision
L’ATP a indiqué que la prochaine étape est de rassembler l’ensemble du sport.
On voit que cette phase 2 inclut une collaboration avec les autres membres du T7 qui correspond à l’ATP, la WTA, l’ITF et les 4 Grand Chelem.
Il y a un premier pas d’effectuer avec la série Netflix.
On peut imaginer pour cette série un modèle à la Drive to Survive qui retracera la saison 2022.
L’ensemble des ayants droit ont accepté de donner l’accès aux coulisses des tournois.
Nous allons donc avoir une série documentaire qui va revenir sur les grands moments de la saison. Et il y en a eu des grands moments cette année.
Si je prends uniquement Roland Garros 2022, il y a une dizaine d’histoires à raconter :
La dernière de Jo Wilfried Tsonga et de Gilles Simon à Roland Garros
Le retour de Djokovic après son exclusion de l’Open d’Australie
Carlos Alcaraz peut-il gagner son premier Grand Chelem ?
Le parcours d’Alizé Cornet et de Coco Gauff
L’éclosion de Rune en Grand Chelem
La domination de Swiatek
Le 14eme titre de Rafa.
Et à l’échelle d’une saison, c’est amplifié. Le tennis est un formidable générateur d’histoires.
Toutefois, la série Netflix n’est pas suffisante.
Il faut une vraie unification qui passe par une marque commune du tennis.
Et si on lit entre les lignes, on s’aperçoit qu’une fusion entre l’ATP et la WTA est proche.
II) Vers une fusion de l’ATP et la WTA.
l’ATP et la WTA pourraient être amenés à fusionner.
C’est une vieille marotte du tennis mais cette fois-ci les deux instances sont en pourparlers avec CVC (un fonds d’investissement américain).
Ce fonds serait prêt à investir à hauteur de 600 millions de dollars pour développer l’image du tennis et moderniser la communication autour du sport à l’image de la Formule 1.
Mais on peut se demander pourquoi un fonds d’investissement s’intéresse au tennis et souhaite investir dans la petite balle jaune ?
Et bien CVC n’est pas à son coup d’essai dans le monde du sport.
Ils ont investi dans plusieurs grandes compétitions et championnats.
J’ai parlé de fusion de l’ATP et de la WTA mais c’est inexact.
Les deux institutions resteraient des entités indépendantes et conserveraient leur libre arbitre concernant les décisions qui touchent aux terrains.
En revanche, l’ATP et la WTA n’auraient plus à leur charge deux droits : La communication dont la gestion des droits télés et ceux sur les données (data) récoltées.
Le montant des droits de diffusion est faible comme nous l’avons vu dans les éditions précédentes (1.3 % de l’ensemble des droits TV générés par tous les sports).
Mais une unification des droits permettrait d’augmenter leur valeur.
Du moins, c’est le pari de CVC.
Aucune information officielle n’est sortie depuis l’annonce des pourparlers en 2020.
Toutefois, un faisceau d’indices montre que cette union n’est pas que de l’ordre du fantasme :
La série Netflix qui sera sur le circuit ATP et WTA
L’harmonisation des catégories de tournoi (ATP 500 = WTA 500)
La volonté de fait des super Masters 1000 avec le tournoi féminin et masculin en même temps.
Les vidéos de l’ATP avec certaines joueuses WTA (sur Youtube)
La communication globale de l’ATP autour de cette phase 2. Mettre le logo de la WTA à côté de celui de l’ATP n’est pas anodin.
Je suis prêt à prendre les paris que d’ici 2026, nous aurons une fusion des droits de l’ATP et de la WTA.
Pour terminer cette édition, je vous mets le lien du projet de l’ATP One Vision et le lien d’une vidéo où je développe le projet de fusion orchestré par le fonds d’investissement CVC.
(J’y mentionnais la possibilité d’une série Netflix plusieurs mois avant l’officialisation de celle-ci.
Si tu as aimé cette édition, n’oublie pas de mettre un petit like et de la partager à deux amis !
Et je te dis à jeudi pour le podcast de la semaine où je reçois de nouveau Boris Bergerot. Cette fois-ci nous parlerons de la possibilité d’avoir de l’E-sport aux Jeux Olympiques.